jeudi 12 mai 2011

Ocytocine et attachement social chez le jeune agneau: approches comportementale, physiologique et neurobiologique

Equipe : « Comportement, Neurobiologie, Adaptation », UMR6175, INRA, 37380 Nouzilly
Directeur : R. Nowak (HDR)
Contact : Raymond.nowak@tours.inra.fr

Parmi les différents facteurs physiologiques et neurobiologiques influençant les réponses d’attachement entre deux partenaires, l’ocytocine focalise actuellement la communauté scientifique tout autant que le public (v. l’ouvrage de K. Uvnäs-Moberg, « l’ocytocine : l’hormone de l’amour », éditions Le Souffle d’Or, 2006). Cette molécule, secrétée par une région cérébrale, l’hypothalamus, est impliquée dans les relations sociales (entre partenaires sexuels, entre la mère et l’enfant) et est connue pour induire l’apaisement, voire la confiance envers autrui. Les contacts sociaux intimes (caresses, toucher) entrainent l’accalmie au travers d’effets anti-stress qui iraient à l’encontre de ceux du cortisol qui est l’hormone du stress libérée dans les situation d’isolement social. L’ocytocine fait ainsi l’objet de nombreuses synthèses bibliographiques et de spéculations sur les bases de l’attachement chez les humains. On suspecte même que c’est un dérèglement du système à ocytocine qui serait à la base de certains troubles comportementaux infantiles liés à la maltraitance, ou de l’instabilité sociale chez les bébés abandonnés à la naissance et élevés en orphelinat.

Bien que la littérature concernant les relations d’attachement soit particulièrement abondante, il existe peu d’exemples relatifs à l’attachement du jeune à sa mère. On commence à comprendre comment la mère module le développement comportemental du jeune, et il est possible que la construction de relations sociales harmonieuses soit influencée par la présence maternelle au travers d’effets directs sur le développement cérébral. Les travaux de l’équipe « Comportement, Neurobiologie, Adaptation » ont démontré l’existence d’une relation d’attachement forte entre l’agneau et sa mère, ce qui en fait un modèle d’exception pour les études concernant l’importance de la présence maternelle dans le développement comportemental et cérébral du jeune. Cette situation est d’autant plus intéressante à étudier puisqu’en élevage, il est courant de séparer le jeune de sa mère pour des raisons de production (élevage en allaitement artificiel) sans que l’on sache réellement quelles en sont les conséquences.

La mise en allaitement artificiel des agneaux est critiquée dans la mesure où le nouveau-né n’a pas la possibilité de construire une relation d’attachement avec sa mère. Qu’une telle pratique conduise à des problèmes développementaux reste à démontrer et les impacts comportementaux, physiologiques, mais également neurobiologiques (en terme de construction d’un réseau neuronal impliqué dans les relations sociales) sont inconnus. Aussi, le projet de thèse ambitionne-t-il de comparer le développement du comportement social, et en particulier l’attachement, chez des agneaux élevés par leur mère et d’autres élevés en allaitement artificiel. Les objectifs scientifiques sont de 3 ordres :

1) Caractérisation de l’attachement chez l’agneau. mise en évidence de l’existence d’une préférence sociale chez l’agneau âgé de 3-4 semaines : mère pour les animaux maternés ou agneau pour ceux en allaitement artificiel, et mesure des effets délétères de l’absence maternelle ;

2) Suivi des paramètres physiologiques lors des situations de séparation et de réunion avec le partenaire d’attachement (où nous faisons l’hypothèse d’une libération de cortisol lors de l’isolement social, et d’ocytocine pendant les contacts);

3) Cartographie des récepteurs à ocytocine dans le cerveau de l’agneau. Cela s’effectuera au moyen de la méthode d’autoradiographie en collaboration avec la Faculté de Pharmacie de l’université François Rabelais ;

4) Développement de l’imagerie cérébrale et visualisation des récepteurs à ocytocine dans le cerveau des agneaux par scintigraphie.

Ce programme est parfaitement conforme aux objectifs de l’unité « Physiologie de la Reproduction et des Comportements », et de l’équipe « Comportement, Neurobiologie, Adaptation » quant à la compréhension des bases biologiques des comportements sociaux. Il s’inscrit en complément des études déjà menées sur le comportement maternel de la brebis par F. Lévy, et sur le stress de l’isolement social par E. Chaillou et B. Malpaux. Par ailleurs, le concept d’émotion positive chez l’animal d’élevage, auquel se rattache l’apaisement social induit pas la présence maternelle, longtemps dénigré sous le procès d’anthropomorphisme, constitue un champ de recherche en plein essor dans le domaine du bien-être animal. Le projet de thèse fera appel à un panel de compétences complémentaires entre l’unité de Physiologie de la Reproduction et des Comportements de Nouzilly (éthologie, neuropharmacologie, neuroanatomie, dosages hormonaux), l’équipe « Imagerie et Cerveau » de la Faculté de Pharmacie de Tours (autoradiographie) et la plateforme d’infectiologie expérimentale (imagerie scintigraphique).