mardi 2 avril 2013

Thèse sur l’hétérogénéité inter-individuelle de la dispersion chez le chevreuil (Toulouse)

Nous proposons un sujet de thèse sur l’hétérogénéité inter-individuelle de la dispersion chez le chevreuil (voir détails ci-dessous) au concours de l’école doctorale SEVAB de Toulouse. Nous recherchons pour ce sujet un candidat sérieux et motivé.

La thèse se déroulera dans le laboratoire Comportement et Ecologie de la Faune Sauvage (INRA) à Toulouse. Il sera co-encadré par Mark Hewison (DR INRA, CEFS) et Aurélie Coulon (MdC Muséum national d’Histoire naturelle, laboratoire Conservation des Espèces, Restauration et Suivi des Populations, Paris).

Contexte et objectifs du sujet de thèse :

La dispersion est l’ensemble des déplacements qui ont des conséquences potentielles sur les flux de gènes à travers l’espace (Ronce 2007), et regroupe donc les mouvements entre site de naissance et premier site de reproduction, et entre sites de reproduction successifs (Clobert 2001). C’est un processus biologique fondamental affectant la valeur adaptive des individus, les flux de gènes et la dynamique spatiale des populations (Clobert 2001, Bowler & Benton 2005). Les connaissances sur ce processus restent malgré tout incomplètes (Ronce 2007) et concernent surtout les facteurs qui sous-tendent la décision de quitter le domaine natal. Relativement peu d’études empiriques se sont focalisées sur l’étape de mouvement de l’individu à travers le paysage, faute de données de qualité. C’est pourtant cette étape qui détermine les flux de gènes et la connectivité d’un paysage. De même, la dispersion a jusqu’à très récemment été considérée comme un processus fixe au sein d’une espèce. Or il a été montré chez différentes espèces qu’il existe une très forte variabilité interindividuelle dans les différentes composantes de la dispersion (e.g. distance, direction) (Stevens et al. 2010). Il s’agit maintenant de mesurer cette variabilité, et d’en comprendre les causes.

Deux thèses réalisées au sein de l’équipe d’accueil ont suggéré que le paysage influence fortement les flux de gènes chez le chevreuil (A. Coulon 2006) et que les individus disperseurs ne sont pas un échantillon aléatoire de la population (L. Debeffe 2013). Dans le cadre d’un projet financé par l’ANR et grâce à un suivi intense d’une population de chevreuils sur le long-terme et à l’utilisation de la technologie GPS, nous sommes en mesure d’aborder la question de la façon dont les juvéniles utilisent le paysage pendant leur trajectoire de dispersion (connectivité fonctionnelle), les caractéristiques des domaines d’installation sélectionnés, et surtout les facteurs phénotypiques et comportementaux qui influencent ces choix. Cette information pourra nous éclairer sur les facteurs affectant la connectivité du paysage chez le chevreuil et comment cette connectivité varie entre individus (vers une connectivité individu-centrée). De même, nous explorerons l’ontogenèse de cette variabilité interindividuelle de la connectivité en nous intéressant aux expériences précoces de l’animal (caractéristiques du domaine natal, comportement maternel, …), et en analysant les règles de mouvement pendant les différentes phases de la dispersion (émigration, trajectoire, immigration).

Cette thèse aura donc pour but d’étudier l’hétérogénéité interindividuelle des phases de déplacement et d’immigration de la dispersion au sein d’une population de chevreuils vivant dans un environnement fragmenté. Plus précisément, les objectifs seront de :

i) quantifier la variabilité interindividuelle dans les trajectoires de dispersion (angles et distances inter-foulées, utilisation des éléments paysagers, exposition au risque) et dans la phase d’immigration (caractéristiques paysagères du lieu d’immigration, moment d’installation) ;

ii) comprendre les origines de cette variabilité, notamment en testant les effets potentiels de différentes variables de contexte (e.g. caractéristiques du paysage) et de condition (e.g. personnalité, masse, profil génétique / immunogénétique, état parasitaire, état nutritionnel) ;

iii) prendre en compte cette variabilité interindividuelle pour estimer la connectivité du paysage de la zone étudiée, et estimer l’importance de cette prise en compte pour la modélisation de la connectivité ;

iv) prédire les effets de la variabilité interindividuelle sur les flux de gènes au sein de la zone d’étude.

En plus de l’analyse des données déjà disponibles, le doctorant sera amené à participer aux différentes opérations de terrain menées par l’équipe d’accueil, de façon à acquérir une connaissance solide du modèle biologique et du site d’étude, et à poursuivre l’acquisition des données qui seront utilisées dans cette thèse.



Références

Bowler, D. E. & Benton, T. G. (2005) Causes and consequences of animal dispersal strategies: relating individual behaviour to spatial dynamics. Biological Review, 80, 205-225.

Clobert, J., Danchin, E., Dhondt, A. A. & Nichols, J. D. (2001) Dispersal. pp. 452. Oxford University Press, New York.

Coulon A. (2006) Etude de l’influence du paysage sur la dispersion du Chevreuil (Capreolus capreolus) en milieu fragmenté. Manuscrit de thèse, Université Paul Sabatier, Toulouse, France. 195pp..

Debeffe, L. (2013) La dispersion chez le chevreuil européen Capreolus capreolus dans un paysage fragmenté.

Ronce, O. (2007) How does it feel to be like a rolling stone? Ten questions about dispersal evolution. Annual Review of Ecology, Evolution and Systematics, 38, 231-253.

Stevens, V. M., Pavoine, S. & Baguette, M. (2010) Variation within and between closely related species uncovers high intra-specific variability in dispersal. PLoS ONE, 5, e11123.